Par exemple, "jamais je ne mettrai une doudoune en ville. Encore moins un manteau doudoune."
Excellent principe auquel je continue d'adhérer, au moins intellectuellement.
La doudoune, c'est bien pour les enfants et les sports d'hiver; ça peut être toléré jusqu'à l'après-ski mais après, please, ne soyons pas masochistes. C'est une fille qui a pleuré pour avoir sa doudoune Chevignon en 94 et qui depuis voit les photos d'elle dedans dans les albums photos de ses parents qui vous le dit.
Attendez, je ne dis pas que c'est laid (même si ce n'est pas beau, mettons-nous d'accord une fois pour toutes), c'est juste que les doudounes, les cuites au vin chaud et la raclette, ça ne devrait arriver qu'au-dessus de 1500 mètres.
Le manteau doudoune, c'est encore pire: c'est long, ça coupe la jambe, si vous faites moins d'un mètre quatre-vingt douze vous ressemblez à une tente gonflable (c'est moi), et au-dessus d'un mètre quatre-vingt douze à un bonhomme michelin. En plus, c'est sensé être un manteau, c'est-à-dire un truc de ville, c'est-à-dire que vous n'avez même pas l'excuse de pouvoir dire "j'ai attrapé ma tenue de ski ce matin mon (vrai) manteau est au pressing" et que vous devez assumer le fait que vous avez acheté un truc très laid et qui vous rend très moche et que vous osez le porter alors que d'autres gens vous voient.
Le bonhomme Michelin est moche. Mais il est heureux. |
Bon.
Voilà mon avis.
Maintenant, après quinze jours à -15°, j'ai acheté un manteau doudoune. Le principe de réalité a rencontré mon credo fashion, et ce dernier a résisté vaillamment, oh, allez, presque jusqu'à -8° avant de s'effriter lentement.
Oui, -15°. Quand l'Europe était sous la neige, ici il faisait trop froid pour qu'un atome d'eau ose se pointer pour geler. Sur les photos, on dirait le mois d'août. Tant qu'il n'y a pas de gens/bonhomme Michelin sur la photo. -15°, c'est tellement froid que quand il s'est mis à neiger cette nuit, parce que la température était remontée à 0°, tout le monde a sorti son maillot de bain. Bref.
Oui, un manteau doudoune.
Dans lequel je suis merveilleusement bien (c'est moche, mais une fois dedans c'est comme se promener dans sa couette personnelle, ce qui à 7h du matin, pas réveillée, dans la nuit, par moins 15° a le mérite de réconcilier mon corps transi avec mon cerveau assoupi - mais NE COMMENCEZ PAS!).
Le coq a chanté trois fois, et je ne l'ai pas quitté. Mon manteau, pas le coq, qui n'est de toute façon qu'une référence évangélico-littéraire, parce que je ne connais pas volatiles de basse-cour. Je l'aime. Ma doudoune, toujours. Bon, c'est une relation honteuse, hein, genre Charlotte avec Harry Goldenblatt au début. J'ai honte, je continue à la critiquer, et je pense toujours que c'est un énorme faux pas stylistique. Mais voilà pourquoi il faut avoir des principes: il ne faut pas commencer. Jamais. Parce que maintenant, pour la quitter, il faudrait... il faudrait que je quitte ce pays, sans doute. Ou que j'achète une fourrure. Qu'il faudrait m'offrir parce que je n'ai pas les moyens.
Quoi, de la fourrure? où sont mes principes? Que voulez-vous, je suis une fille perdue. J'ai déjà une doudoune, et quand on a dépassé les bornes il n'y a plus de limites.
Et puis, si je dois brûler en Enfer, au moins il fera chaud.
PS: j'ai failli arguer du fait qu'ici une doudoune est une Bobble Jakke, donc que d'une certaine façon mes principes étaient saufs, mais ma mauvaise foi a renoncé devant l'idiotie toute clintonienne de cette illusoire distinction.